
à
Cran-Gevrier
Contexte
Annecy attire de nombreux retraités ou préretraités en quête d’un bon vivre et d’un bien vieillir. Aujourd’hui, avec 25% de la population du grand territoire d’Annecy ayant plus de 60ans (un peu plus que la moyenne nationale) les collectivités ont su déployer un large éventail de services : des restaurants seniors municipaux aux tickets de bus gratuits, des randonnées avec des accompagnants sportifs ou des pratiques artistiques nouvelles (landart). Un paysage de carte postale, mais un territoire plus hétéroclite, contrasté et complexe qu’il ne le laisse voir.
C’est à Cran Gevrier que Vieillir Vivant ! pose ses bagages. Cette commune déléguée dénote tant par son histoire politique que par sa géographie entre plaine (Cran) et colline (Gevrier). Son tissu associatif est particulièrement engagé autour d’actions sociales et solidaires. Avec la crise covid, de nombreuses initiatives citoyennes spontanées ont vu le jour palliant l’arrêt radical de l’offre municipale foisonnante, qui a mis dans un grand désarroi de nombreuses personnes âgées qui y trouvaient les liens de sociabilité indispensables pour vivre bien, entourés.
Comment inventer de nouvelle manière de vivre la ville en cette période de distanciation ? Comment les aîné·es, balloté·es entre liberté et contrainte, autonomie et contrôle, peuvent-il·elle·s avoir leur droit d’existence, de choix et de projection ? Quelle culture nous est offerte pour cela ?
Vieillir Vivant ! se propose d’explorer la question des solidarités intra-quartier mais aussi de la réappropriation de l’espace public par une population âgée socialement plus mixte que dans le reste de l’agglomération.
Y’a rien pour nous ! On est là, perturbées ! Y’en a plus qu’assez de vivre comme ça ! Ici, c’est le covid qui nous gère ! On a peur d’aller en ville, on n’ose pas prendre le bus ! Chacun trouvait son bonheur avant, il y avait suffisamment à faire. Alors, on s’installe tous les jours là [sur les bancs publics de la place Chorus] pour se voir.
Pierrette et Yvonne, marché de la place Chorus, 2021
Vieillir Vivant ! Sujet tabou ou sujet lointain ? Entre personnes âgées qui laissent souvent le système actuel choisir leur futur mode de vie et les plus jeunes qui ne se sentent pas concernés, comment embarquer les publics pour qu’ils deviennent acteurs-auteurs de ce sujet et de leur projet de vie(illissement) ?
En effet, la notion de vieillissement abordée en pleine crise covid fait émerger d’autres problématiques : la précarité galopante d’une partie de la population jeune, étudiante et vieillissante et, l’exclusion des habitant·es. de leur propre territoire de vie par la flambée délirante du coût du foncier.
Quand je suis arrivée en retraite, je me suis mise au bridge parce que je trouvais que cela faisait bien travailler les neurones (..) Depuis le confinement, j’ai plus envie de jouer. Le confinement m’a moralement coupé.
Violette, habitante de Cran Gevrier, 2021
Questionnements
L’espace public comme espace de reconquête du lien : quels soins et aménagements lui apporter pour garantir l’hospitalité notamment envers les aîné·es ? Au-delà, quelle place prise en compte de leur envies, besoins et usages dans la conception de l’espace public ?
Avec le covid, l’espace public, coeur de la sociabilité pour les personnes vivant seules chez elles, est apparu comme vidé. Les aîné·es ne croisent plus les personnes connues, ont perdu leurs petites relations de voisinage sur leur chemin entre les commerces et leur domicile. Au-delà du psychique, le corps est mis à mal par l’immobilisme grandissant et imposé. Ainsi, quel accompagnement à ce manque de lien et de mouvement ? Cette condition restrictive invite à questionner également les choix : « bien vieillir » ou « vieillir comme on en a envie » ?
Par ailleurs, comment réinvestir l’espace public ? Quelles nouvelles formes d’activités sur l’espace public croisant bien-être et solidarité seraient à inventer ? Comment rendre les citoyen·nes âgé·es acteurs et actrices de cette réflexion sur les aménagements ? Et enfin, comment se réapproprier l’espace public comme espace de débat public ? Comment créer des espaces de réflexion collective pour muscler notre capacité à faire nos propres choix pour mieux vieillir?
Quelle adaptabilité, voire agilité, des services publics face à “l’événement” telle que la crise sanitaire ?
Les mesures de protection sanitaires mises en place par les institutions et les associations pour protéger les aîné·es, les ont écarté.es de manière forte de leur lien de proximité avec le quartier. Malgré des formes de solidarité mises en place par plusieurs acteurs locaux, la solitude reste un sentiment prégnant encore aujourd’hui. Quel écosystème de connexions vertueuses ou quels nouveaux métiers à inventer, pourrait permettre d’incarner ce lien ? Comment accompagner la municipalité à plus d’agilité pour continuer à répondre aux plus démunis, les mis à l’écart, les plus précaires ? Quelle collaboration publique/privée/associative engager, pour tendre à un bien vivre et bien vieillir des citoyen·nes ?
Temporalité de la recherche-action
